Good bye iTunes
Avec la disparition d’iTunes du nouveau système d’exploitation Apple - Catalina -, c’est une histoire de la musique numérique qui se tourne. Même si l’application existe toujours sur iPhone et qu’Apple Music a pris la suite.
Plus que n’importe quel autre acteur du numérique musical, iTunes a été le symbole de la dématérialisation de la musique à grande échelle, une transition entre l’ère du CD et celle du streaming. L’histoire de la relation d’Apple à la musique est passionnante et étroitement liée à son patron emblématique et visionnaire, Steve Jobs. On peut retrouver sur le site de l’IRMA un article récent qui détaille cette saga. Apple est souvent considéré comme le sauveur du marché de la musique à cette époque, en ayant imposé un nouveau mode d’achat des singles et des albums via son store iTunes, la seule réponse légale viable à Napster et consorts.
Pour remettre quelques autres éléments en perspective autour de cette plateforme:
- 28 avril 2003: c’est le lancement d'iTunes Music Store aux US avec dans un premier temps, 200 000 morceaux disponibles. Plus d'un million de titres seront vendus la première semaine. Le store ouvrira le 15 juin 2004 en France.
- 23 février 2006 : l'iTunes Store franchit le cap du milliard de morceaux téléchargés, moins de trois ans après l’ouverture de la plateforme.
L’histoire d’iTunes est également liée à celle de l’iPod, lancé deux ans plus tôt en 2001 et dont la promesse était d’avoir “1000 chansons dans la poche”, puis à celle de l’iPhone. Ces deux produits ont tout deux contribué au développement et à la démocratisation de la musique en téléchargement légal.
. La grande époque d’iTunes et sa suprématie rappelle que les deux plus grands distributeurs physiques spécialisés en France avaient lancé leur propre plateforme de téléchargement: Virgin avec VirginMega.fr et la Fnac avec Fnacmusic. Cela correspondait également à une période où les fichiers audio possédaient des DRM qui rendaient la copie compliquée et l’usage parfois peu satisfaisant. En parallèle, des systèmes comme le “copy control” bridaient les copies CD, mais avaient surtout l’effet de rendre les CD inutilisables dans bons nombres lecteurs dont les auto-radios. Et de rendre plus populaire les solutions illicites.
. Avec ses classements, iTunes a été le baromètre des nouveaux tops. Même s’il ne représentait que la consommation numérique (avec un streaming encore anecdotique), il a apporté les charts en temps quasi-réel. Les labels et les équipes des artistes pouvaient mesurer juste après un passage télé, l’impact sur les ventes ou l’intérêt pour un artiste. Et par la même de tenter d’extrapoler les ventes physiques attendues dans le top officiel. En France, les retours d’émissions comme le Grand Journal, Taratata, Star Academy, The Voice se mesuraient sur le top iTunes. C’était également un argument promotionnel très utilisé dans les communiqués interne ou externe (encore utilisé en 2019 sur des artistes moins populaires en streaming comme Mylène Farmer).
. iTunes a également été pendant quelques années la plateforme des écoutes en avant-première avec des diffusions d’albums de Justin Timberlake ou Daft Punk en exclusivité, au grand dam des streamers qui commençaient à monter en puissance (ou des labels locaux un peu embarrassés par cette approche très centrée sur le territoire US). Les vertus d’une telle opération, en plus d’un renfort de communication, étaient de permettre d’augmenter les précommandes de l’album afin de rentrer le plus haut possible dans les tops.
Par un effet mécanique, les meilleures ventes bénéficiaient d’une exposition dans les classements et donc de ventes supplémentaires. La réplique de la visibilité en magasins.
C’est également grâce à iTunes que l’album visuel “surprise” de Beyoncé est sorti du jour au lendemain en 2015 avec un impact considérable, profitant de la viralité d’une plateforme comme Twitter. Cet album, dernier coup d’éclat d’iTunes a entrainé par la suite de nombreuses sorties basées sur le même principe et rendues possibles par le numérique et le streaming (de Kendrick Lamar à Nekfeu par exemple).
. iTunes a eu également deux initiatives qui ont eu plus ou moins de réussite: Genius: un outil de recommandation (2008), prémices de la personnalisation algorithmée. Il y a eu également l’essai raté de Ping un début de réseau social particulièrement ingrat. Une déception que l’on retrouvera au lancement d’Apple Music avec la fonction Connect, permettant aux artistes de poster du contenu en direct. Fonction qui n’a jamais trouvé son audience, arrivant sans doute trop tard par rapport aux usages.
iTunes a été beaucoup plus qu’un store musique avec des films, des podcasts et d’autres contenus, mais la musique a été la partie la plus visible et à la plus forte symbolique . A retrouver également sur cet article du Billboard.